lundi 24 novembre 2008

CE N’EST PAS LA RUE QUI GOUVERNE (2)

BILAN DE LA SEANCE DU 18 NOVEMBRE 2008

La pièce présentée le 18 novembre en première lecture était définie comme une expérience de « Chantier/Théâtre » où, les tâches de gros-œuvre se trouvant pratiquement terminées,
les acteurs invitaient les spectateurs à poursuivre les travaux
« ce qui est le plus important,
ce n’est pas tant ce qui est écrit que ce qu’il reste à écrire »

Dans la première scène une troupe de comédiens s’apprête à répéter une pièce de Marivaux, « L’île des esclaves », représentée pour la première fois en 1725.
Dans ses « Causeries du Lundi », le 23 janvier 1854, Sainte-Beuve notait que « cette petite pièce de Marivaux est presque à l’avance une bergerie révolutionnaire de 1792 ».
Pour rendre les patrons « plus raisonnables », Marivaux imagine en effet une permutation des rôles ; les domestiques prennent la place de leurs maîtres, qui se trouvent alors dans l’obligation d’obéir et de travailler : « … et nous ne prenons que trois ans pour vous rendre sains, c'est-à-dire humains, raisonnables et généreux pour toute votre vie»
A noter que cette expérience en modèle réduit a, beaucoup plus tard, été réalisée en grandeur nature. Dans son allocution de clôture à la deuxième session du 1er Comité national de la Conférence consultative politique du Peuple chinois, le 23 juin 1950, Mao Tsé Toung en traçait le plan : « L’exercice de la dictature démocratique populaire implique deux méthodes.
A l’égard de nos ennemis, nous employons celle de la dictature ; autrement dit, aussi longtemps qu’il sera nécessaire, nous ne leur permettrons pas de participer à l’activité politique, nous les obligerons à se soumettre aux lois du gouvernement populaire, nous les forcerons à travailler de leurs mains pour qu’ils se transforment en hommes nouveaux.
Par contre, à l’égard du peuple, ce n’est pas la méthode de la contrainte, mais la méthode démocratique qui intervient ; autrement dit, le peuple doit pouvoir participer à l’activité politique ; il faut employer à son égard les méthodes démocratiques d’éducation et de persuasion, au lieu de l’obliger à faire ceci ou cela. »
C’est ainsi que Pu yi, le dernier empereur de Chine, après dix ans d’internement dans un camp de travail, a terminé sa vie comme jardinier. Du jour où il a su lacer ses chaussures lui-même ses « instructeurs » ont considéré qu’il était enfin devenu « un homme ».

***
Le spectacle étant terminé, après une discussion à bâtons rompus, le débat s’est orienté sur les conclusions qu’on pouvait en tirer.
On peut imaginer, comme le suggérait Sainte-Beuve, que l’action de « L’île des esclaves » se passe en 1792, le 21 septembre, c'est-à-dire le jour même où la Première République est proclamée. Par conséquent, à la fin de la pièce, les habitants de l’île des esclaves vont devoir doter cette République d’une Constitution.
Un premier projet présenté par Condorcet les 15 et 16 février 1793 est rejeté au motif qu’il instaure une sorte de « royauté des ministres ». Un second projet est adopté le 24 juin 1793 dont Saint-Just dira qu’on y trouve « plus de mouvements que de démocratie ».

Nous nous trouvons, pour l’heure, au lendemain d’une élection ratée au premier tour le 21 avril 2002, et d’une autre, ratée au second tour, le 6 mai 2007. Ratée pas seulement pour la gauche. Pourquoi ? Si le projet de Condorcet avait pour défaut d’instaurer une « royauté des ministres », au spectacle des deux ratages que nous venons de constater, que pouvons nous dire de la Constitution de la Vème République ? Que cette « monarchie républicaine » a fini par tourner, en 2007, à une royauté à la manière d’Ubu roi.
Nous sommes loin d’être sortis de l’Ancien régime.
Contrairement à ce qu’ont proclamé les Consuls de la République en 1799, la Révolution n’est pas finie, il nous faut la reprendre « aux principes qui l’ont commencée ».

D’un commun accord, les personnes présentes décident l’ouverture d’une « boite à idées » qui ferait pendant aux cahiers de doléances dressés par leurs ancêtres en 1789.
A cet effet, il est convenu de distribuer des « tickets de participation », à raison d’un ticket par personne. Chacun doit y inscrire un « mot clé », qui lui semble le mieux représenter ce qu’il attend de cette société.

RESULTAT DU DEPOUILLEMENT
20 réponses (toutes les personnes présentes ont rempli leur ticket de participation)

Solidarité
Solidarité
Liberté, Egalité, Fraternité ( par souci d’équilibre quelqu’un propose d’ajouter « sororité »
Egalité, Liberté ( Je ne sais pas ! Les « mots » que je désire ont perdu leur sens)
Humanisme
Citoyenneté mondiale
Responsable
Individualisme et démocratie
Participer
La base
Paix
Amour
Voir, regarder les autres
Epanouissement
Esprit critique
Indépendance
Cultiver son jardin
Quitter le monde bon dans un monde bon
Qu’est-ce que c’est, les choses sérieuses ?
Sans réponse

***
Si, comme le dit Pascal, « tous les hommes recherchent d’être heureux », on pouvait s’attendre à ce que le mot « bonheur » apparaisse au moins deux ou trois fois. Il semblerait que les participants ont préféré mettre l’accent sur les moyens d’y parvenir.
Cette expérience improvisée devrait pouvoir se renouveler. Mais à condition, cette fois, de cadrer le sujet. Toutes les suggestions sont les bienvenues.
Vous pouvez nous faire part de vos observations à l’adresse suivante

cercle.decour@free.fr

***

Un premier commentaire de Patrice Fontenille


1/ De mémoire et au premier abord j'ai eu l'idée de regrouper les mots par thématique. Pour s'apercevoir que nous étions tous plus ou moins formatés à l'expression de notre désir de notre conception de la société selon nos schémas de références à tout à chacun à l'expression du choix des mots opérés. Pour ensuite s'apercevoir qu'il y avait des mots fondamentaux qui pouvaient être porteurs des autres mots et former une sorte de guide pour ces derniers qui pourraient en intégrer le sens et le contenu mais dans un second degré de niveau de sens.

Je propose la réflexion et l'action suivantes: choisir les mots fondamentaux et classifier les autres mots par ordre de priorité et de sens à l'intérieur même de ces fondamentaux. Cela pourra peut-être amorcer un début de proposition de contenu pour notre future et prochaine Constitution. Car cela est le but de l'exercice si je ne me trompe!

L'idée et la méthode sont simples: associer la connaissance historique (reproduction des processus) avec la créativité de l'instant présent (l'imaginaire) dans le but de structurer la démarche pour obtenir un résultat - cette fois-ci - non formaté et réellement innovant au regard de notre pensée à la fois historique (passée) et moderne (présente).

2/ Pour rester dans l'idée du concept d'éducation populaire qui - si je comprend bien - nécessite à la fois un cadrage et un recadrage sur les réalités historiques et /ou philosophiques de nos ancêtres pourvoyeurs d'idées "neuves" au regard de notre actualité en plein mouvement, avec lequel je suis bien sûr plus d'accord, tant je découvre une façon différente de lire l'histoire et la philosophie et y acquière des connaissances et un partage de connaissances, je pense néanmoins qu'il faut oser et s'autoriser à sortir du cadre dans certaines circonstances et à certains moments.

C'est exactement de qui s'est passé mardi dernier. C'était fort instructif et le rendu a ainsi enrichi le contenu! Un débat s'en est allé qui a ouvert des pistes de réflexion, de façon de penser et éventuellement d'agir différemment. Cela ressort sous le terme "improvisation". Cependant même si c'était bien une improvisation elle a occasionné beaucoup plus que de simples réactions de spontanéité. La réflexion et les échanges qui ont suivis ont été d'une richesse et d'un dynamisme extraordinaire. Toutes les personnes présentes ont joué le jeu!

En conclusion, non seulement il me semble important de le reproduire, mais de le cultiver de façon parallèle à l'utilisation et l'apprentissage de la connaissance. Les deux dynamiques sont complémentaires et se portent l'une par rapport à l'autre et inversement.

Le changement c'est çà: apprendre à regarder l'autre différemment et s'inspirer de ses richesses mutuelles pour permettre d'avancer ensemble...

Osons penser autrement et agir autrement! Nous finirons ainsi à faire avancer les choses pour le mieux être d'une humanité renouvelée...

Aucun commentaire: